Bonsoir à tous, merci d’être venu ce soir.
Je me présente, Vadim Korniloff. Je suis à l’origine de la manifestation W.C.National, qui a été rendu possible grâce à la participation des 34 artistes qui ce sont joint à cette action. Je tiens donc ici à les remercier.
Je remercie aussi les restaurateurs qui se sont prêté au « jeu ». Je remercie également Monsieur le Maire, le personnel de la Mairie et les intervenants de ce soir : Benoit Goetz et Baptiste Rappin.
Pour commencer, je tiens à dire que tout ce que je vais dire ici n’engage que moi, et moi seul, et non les artistes de cette manifestation et naturellement non plus les intervenants, de ce soir.
Donc…Pourquoi W.C.National ? En tant qu’artiste peintre, je sais que la production d’un artiste, quel que soit son médium, est l’aboutissement d’un besoin personnel et viscéral, celui de créer, de transformer, ou comme le formule si bien Zigmunt Bauman, celui « d’améliorer le monde ».
Ce « besoin » par ailleurs est difficile à expliquer, mais l’introduction du livre « Rester Vivant » de Michel Houellebecq est pour moi une bonne piste, il écrit :
« La première démarche poétique », que je qualifie pour ma part d’artistique, « consiste à remonter à l’origine. À savoir : à la souffrance » (fin de citation).
Cependant, je laisse à chacun des artistes ici présents et d’ailleurs, le soin d’expliquer leur « pourquoi ».
Par contre au-delà de ses dispositions et propensions personnelles à la création, il existe un besoin commun à tous les artistes : les artistes ont besoin des autres. Ils ont besoin de dialoguer, d’échanger avec les autres, avec un public, avec vous.
Et pour ce faire, seul les lieux d’exposition, les « lieux d’art » peuvent offrir ce dont ils ont besoin, c’est-à-dire : de la visibilité. Il en est de même pour la littérature et le cinéma, s’ils ne sont ni lu et ni vu, ils n’existent pas !
Mais le constat que j’ai fait ces dernières années est le suivant : la grande majorité des lieux d’exposition, des « Lieux d’art » qui sont en partie (ou totalement) subventionnés par l’Etat, offre une plus grande visibilité (voire exclusive) à une partie seulement de la production artistique « actuelle », ou plutôt devrais-je dire « contemporaine ».
Car en effet le label « art contemporain » ne représente pas la totalité de la production artistique d’aujourd’hui. Seule une partie des artistes bénéficie du soutien et donc de la visibilité de tous ces « Lieux d’art », ils sont par exemple dans la ville de Metz et ses environs :
Le F.R.A.C.de Lorraine (Les Fonds Régionaux d’Art Contemporain), la galerie Faux mouvement, la galerie Octave Cowbell, la galerie ToutouChic, La synagogue de Delmes et Le Centre Pompidou Metz. (Il en existe d’autres, mais je ne vous cite ici que les principaux.)
Il y a donc une production artistique actuelle qui est boudée, et c’est celle-ci qui m’intéresse ici. Elle n’est pas labélisée « art contemporain », car elle ne bénéficie pas de la visibilité, de l’approbation de ces institutions, de ces « lieux d’art ».
Et cette production artistique n’est autre que celle que l’on peut qualifier d’art dit classique, c’est-à-dire celui qui fait partie du système de critères d’appréciation des Beaux-arts comme par exemple : la peinture, le dessin, la sculpture, etc.
L’art dit classique est à mon sens négligé, voir liquidé, au profit de ce que j’appelle : l’art des idées, c’est-à-dire un art qui prône le concept, l’idée originale (s’il en existe encore ?) au détriment des savoir-faire.
Par conséquent, toute une partie des artistes contemporains est totalement ringardisée, car dans notre société de l’image, de la publicité, du faire-savoir (et non plus du savoir-faire !), si vous ne bénéficiez pas de visibilité, vous n’avez alors aucune légitimité, aucun crédit.
L’origine de cette politique, qui ou quoi en est la cause, plusieurs théories existent. Mais personnellement je ne crois pas en une sorte de complot mais plutôt un abandon au profit des choix des gestionnaires de la culture ou d’experts, ainsi qu’une anesthésie générale, celui du public, de vous, de nous tous !
Le plus drôle, et vous pouvez le constater par vous-même c’est que tous ces lieux d’art, qui offrent cette visibilité à cet art contemporain, sont très largement désertés par ses contemporains, par le public, par vous, bref nous tous ! Comme l’écrit Marc Jimenez dans son livre « La querelle de l’art contemporain »: « C’est un art contemporain sans ses contemporains » ! (fin de citation)
Le plus drôle, et vous pouvez le constater par vous-même c’est que tous ces lieux d’art, qui offrent cette visibilité à cet art contemporain, sont très largement désertés par ses contemporains, par le public, par vous, bref nous tous ! Comme l’écrit Marc Jimenez dans son livre « La querelle de l’art contemporain »: « C’est un art contemporain sans ses contemporains » ! (fin de citation)
Je pense que le désintérêt de la grande majorité du public est en partie lié à l’incompréhension générale de cet art. Ces « Lieux d’art », ces institutions ont tout simplement une politique de choix qui désintéresse son public. Je citerai ici un extrait du livre de Jean Clair, « L’hiver de la culture » :
« La tradition hautaine de la culture de Cour aura persisté en France jusque sous les gouvernements actuels, toujours habités de la même fureur, loin des goûts particuliers du peuple, d’imposer un art le plus souvent artificiel, c’est-à-dire « universel » et sans goût. » (Fin de citation)
Suite à tout ce constat, par ailleurs totalement personnel (je l’admets !), j’ai donc mis en place la manifestation W.C.National afin d’attirer l’attention sur toute cette problématique que je soulève ici.
Une exposition collective réunissant 34 artistes et moi-même dans des toilettes publiques de différents lieux à Metz et ses environs s’est déroulée du 15 mai au 20 juin dernier (dont vous pouvez découvrir le photo-reportage dans le hall de l’Hôtel de ville).
Le musée de la Cour d’Or, son conservateur Mr Brunella a participé à cette manifestation et m’a laissé « investir » les W.C. publiques de « son » musée durant toute la durée de l’exposition. Bénéficiant de ce soutien (inespéré) et redoublant d’effort et d’énergie, cette action rencontra un succès public et médiatique local et régional relatif, mais non négligeable.
En fait ma déception est ailleurs. Car déception il y a ! C’est l’incompréhension quasi générale du fond de cette démarche qui me fait comprendre qu’il est vain d’essayer d’attirer l’attention sur une problématique qu’une grande partie des gens qualifie d’intellectuelle donc de (très) secondaire.
La majorité de mes interlocuteurs (mais pas tous, je vous rassure !) n’y a vu et compris qu’un concept artistique rigolo de plus. Un gag ou un canular d’artiste contemporain !
Ayant pris conscience de cette incompréhension, j’ai écrit une lettre expliquant mon désenchantement sur la politique culturelle d’Etat au Ministère de la Culture et de la Communication. Deux mois plus tard j’ai reçu un courrier de son Chef-adjoint de cabinet, en voici son contenu :
« Monsieur,
Vous avez appelé l’attention de Madame la Ministre de la Culture et de la Communication, sur la manifestation « W.C.National » que vous avez organisé en faveur des artistes contemporains lorrains / … / »
Vous noterez que le caractère contestataire de la manifestation W.C.National est ici totalement ignoré. C’est « en faveur des artistes contemporains lorrains» et non contre la politique culturelle française qu’est décrite ici ma démarche.
La suite de la lettre :
« … / Madame La ministre, sensible à toute initiative visant à mettre le public en contact avec la création, a pris connaissance avec le plus grand intérêt/ (etc.etc. … », bref, le reste de la lettre est du même acabit…
Vous noterez également qu’il en va de même dans les hautes sphères de la Culture, seul le côté transgressif de la manifestation W.C.National, sa forme et non son contenu y est compris! Je rappelle que cette « initiative », cette exposition collective ne visait donc pas, comme le sous-entend le Chef-adjoint du Cabinet de Mme la Ministre « à mettre le public en contact avec la création », non pas du tout, mais uniquement à l’informer du traitement que je qualifie d’injuste que subit une grande partie de la production artistique contemporaine en France et par conséquent d’artistes contemporains ! Je le répète : la forme, l’exposition dans les toilettes n’était là juste pour attirer l’attention.
Enfin pour conclure, je pense que pour aller plus loin, car mon rôle en tant qu’artiste est de dire ce qui me paraît « injuste ». Baptiste Rappin et Benoit Goetz sont plus compétents à mon sens pour développer et expliquer plus en profondeur le pourquoi de mon désenchantement sur ce que je perçois comme un dysfonctionnement dans notre perception, notre approche et compréhension de l’art aujourd’hui, et de leurs temples : « Les lieux d’art » !
Vadim Korniloff
(J’ouvre une parenthèse sur le fait que les expositions du Centre Pompidou Metz que sont « Chefs-d’œuvre », « 1917 » et « Vue d’en Haut » doivent leurs succès au fait qu’elles exposaient non pas de l’art contemporain, mais en grande partie de l’art Moderne.)