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 RECUEIL  DE  POEMES  ADELINO  DIAS  GONZAGA - amour du fou

Le recueil de poèmes que le poète Adelino Dias Gonzaga et le peintre (icidessinateur) Vadim Korniloff viennent de composer sur environ quatre-vingt-dix pages, lance au lecteur aussi bien un défi qu’une invitation.

Tels Dante et Virgile devant cette porte où s’affiche en lettres de feu “Toi qui entre ici abandonne toute espérance”,vous allez affronter en y pénétrant vos propres émotions et tourments... ainsi que le doute de pouvoir en saisir l’essence.

Et il n’est pas question d’y parvenir par la logique ou la fameuse raison pure.

Seul l’empathie poétique de votre approche et vos questionnements vous permettront d’y pénétrer.

Car c’est vous –non le sphinx – qui aurez à vous poser les questions dont jaillissent l’entendement et, extrême jouissance, la compréhension de cette formidable gerbe de vers et d’images qui renvoient à vos fermentations subconscientes. Saurez-vous en découvrir le charme, en percer les mystères et les dissiper?

L’Amour du fou (1)interpelle: la raison peut-elle refléter la folie, ou bien celle-ci n’est-elle qu’une des formes de la raison dont la raison refuse habituellement de prendre conscience?

Et qu’est-ce que la création artistique et la création poétique sont-elles d’autre quel’expression d’une déraison ou, du moins, de ce qui est considéré tel par le commun, voire, dans des éclairs de lucidité prosaïque, par les créateurs eux-mêmes?

Ces geysers irrésistibles,éruptions inévitables d’esprits dont la raison pure ne perce pas les profondeurs, les créateurs se voient poussés, bon gré mal gré,à les libérer sur toile, papier ou autres matières, en les révélant par conséquent au grand jour.

Et... à bon entendeur salut! Oh, ne croyons surtout pas que ces créateurs pourraient ne pas y consentir! C’est bien plus fort qu’eux. Il s’agit pour eux d’un besoin irrésistible, vital. «Ce ne sont pas les armes que j’ai armées contre moi-même, / Ce sont les cicatrices d’un homme», écrit Adelino dans «Cœur brûlé», son second poème, où je lis aussi, trois lignes plus loin, «Nous succomberons au désir de nous taire / Et, nous nous embrasserons à l’écart de la lumière».

Veut-il dire que se taire, c’est les ténèbres? Ce serait embrasser la souffrance? Et Vadim – peintre devenu ici miroir d’Adelino, le poète – d’écrire lui-même sur son dessin le fragment d’un autre vers, «... Un bouquet de fleurs qui saignent» que le personnage du poème pourrait avoir offert à l’aimée qui partage sa désespérance.

Le fait est que Vadim Korniloff ne se contente pas d’agrémenter le recueil, comme il est d’usage en poésie, de quelques illustrations par ci par là. Non,son accompagnement iconographique est total: à la quarantaine de poèmes sur les pages de droite correspondent et font face autant de dessins que sa plume a tracés à l’encre de Chine sur celles de gauche.

J’ignore tout des hésitations qu’il a pu ressentir avant de plonger dans les méandres chtoniens de chaque poésie gonzaguienne. Il est en tous cas chaque fois parvenu à en ressortir... un fragment douloureux au bout de la plume... qu’il insère en toutes lettres dans son dessin.

Et Vadim de répondre du tac au tac et quasi-symbiotiquement à Adelino avec ces mêmes incroyables représentations tourmentées de femmes et d’hommes extirpés de son propre subconscient. Femmes et hommes seuls, par paires ou en groupe se déchirant ou coexistant tant bien que mal avec des monstres ou avec leurs propres difformités, les premiers pouvant après tout aussi bien représenter ces dernières!

Le lecteur parvient-il à surmonter sa propre stupeur devant l’expression amère, désespérée ou résignée des personnages korniloffiens et leurs ballets figés en de souvent acrobatiques contorsions, corps parfois tête-bêche, ou suspendus tête en bas,réunis en amalgames et tourments de convivialités forcées?

Certes,cette vue, cette approche de l’art n’est pas inconnue. Aussi, ces êtres difformes imaginés ou ainsi perçus par l’artiste peuventbien rappeler dans leur expressionnisme impitoyable certains tableaux de Jérôme Bosch, Edward Munch, Egon Schiele, Alfred Kubin ou autres James Ensor; mais il s’agit là davantage de coïncidences que de filiation. L’autodidacte Vadim Korniloff ne doit que fort peu aux grands maîtres du passé.

Ce n’est qu’après coup, en exposant et en pénétrant dans le monde de l’art qu’il découvrit sa parenté fortuite avec tel ou tel peintre et notamment avec les expressionnistes du début du 20ème siècle. Mais à cette aune là,quel artiste n’est-il pas subconsciemment influencé par ses prédécesseurs? Né en 1991 à Guimarães, dans le nord du Portugal,Adelino Dias Gonzaga est aussi bien poète qu’artiste peintre.

Ce recueil de poésies est sa première publication. Autodidacte et très précoce, Adelino écrit dès l’âge de 9 ans suite à un profond traumatisme qui le poussera à créer des mots, des phrases et des pages d’écriture lui permettant d’exprimer ce qu’il qualifie de sensations et manifestations d’une nature «paranormale, folle et magique, dans le but de figer une émotion éternelle et qui demeure dans ma dualité androgyne».

Le leitmotiv ou ritournelle existentielle d’Adelino serait «Croire en moi-même, afin de trouver la voie/voix». Rien que ça!? Notre poète vit, travaille,cherche et se cherche actuellement à Blois (Loir & Cher). Quant à Vadim Korniloff, il est né à Metz en 1972, où il vit et travaille.

Il a exposé pour la première fois à Beyrouth (Liban) en 2007, puis les années suivantes à New-York, à Paris, au Luxembourg, en Allemagne et en Russie. En 2013, il est l’initiateur du projet W.C.National, exposant des peintures dans les toilettes d’une trentaine de restaurants de la ville de Metz, manière de contester l’hégémonie de l’art conceptuel dont l’urinoir du champien est le (triste) emblème. Cette action fut soutenue par le conservateur du musée de la Cour d’Or à Metz.

Vadim a également écrit un pamphlet «Raté! Les tribulations d’un artiste contemporain»publié en 2014 aux éditions Edilivre et illustré le roman «Livre sans photographies» de Sergueï Chargounov.