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Christian Noorbergen

Critique d'Art



Berg,  les lumières  de  l’insondable


"Dans sa formidable et dense unité, la peinture envoûtée de BERG absorbe tous les contours.

Elle englobe. Elle enchante. En chirurgienne d’âme, elle œuvre à vif dans l’effacement des plaies mondaines.

Elle ose prendre à son compte toute l’extériorité du visible pour le faire disparaître, ne laissant que la trame enfouie de ses peintures immaculées. L’étendue s’empare lentement des apparences mondaines. Monde flottant des voiles et des rêves.

Dans ces couleurs noyées, vécues comme bues de l’intérieur, tout semble sourdre des immobiles profondeurs. Dans ces fusions élémentaires de matière et d’univers, l’opacité règne. Le silence et l’insondable sans fin s’étreignent.

La transparence et l’obscurité se mêlent et s’entremêlent constamment, hors des limites transgressées du dicible et du mystère.


La nature est première, originelle, comme assombrie de l’intérieur. Elle n’a  pas besoin de l’homme. Elle s’abandonne à l’absence. Elle s’immacule.

Dans le creuset singulier de sa singulière création,c’est l’enfance de la nature que peint BERG ou plutôt la nature à merveilles de sa propre inguérissable enfance. Ainsi le chant du monde se fait lancinant.

Plus rien ne se passe, tout est passé au-dedans. La brutalité chromatique, comme le sang, s’est retirée.

Dans ces territoires hantés, oubliés et enfouis, âprement rendus au bord de l’abîme, une lumière aiguë serait perçue comme une blessure d’éternité.

Les paysages magiques et magnifiés de BERG sont habités. Ce sont de purs talismans d’étendue recomposés selon les lois inconnues de l’espace intérieur.

Eclairés d’une intime et fragile lumière d’outre-monde, d’une sensualité diffuse, et toujours chargés d’énigmes, ces lieux d’immensité sont stupéfiés d’exister aussi intensément.

Les rares lumières de BERG font des trous dans l’étendue.


Art de haute substance, nourri des grands archétypes terrestres, toujours lourds d’affect, la vallée, la colline, la rivière, ou la forêt.Peinture aimantée de terre troublante, de larmes de silence et de sol incertain.

Art d’infinie sensibilité.


Dans les peintures de BERG, sur fond d’âpre et discrète mélancolie, la durée hibernante s’est faite poignante, et peut-être soignante.

Elle a pris ses quartiers d’intemporalité, et enfin rendue à l’illimité, l’étendue respire. Tout est en suspens.

Une force souterraine est en action, archaïque, omniprésente, coextensive à toute surface peinte, et les non-dits précaires, secrets et lointains, prennent la peinture pour espace, dans l’espace sans fond du fond de l’œuvre…

La peinture est une langue plus ancienne que la langue des mots… Comme jamais vu, le monde réinventé de BERG retrouve une innocence absolue.


Dans une fusion profonde, BERG atteint, comme autrefois Caspar David Friedrich,l’unité syncrétique des mondes.

Les masses créées instaurent du spirituel à l’état latent. Les éléments s’unissent en brumes profondes qui dématérialisent le monde, œuvrant ainsi un espace symbolique à la fois vivant, vibrant et infiniment ouvert.

Tout s’enfonce et tout renaît, exaltant la tension des demi-teintes qui s’étagent jusqu’aux lumières délivrées, quand la matière et les éléments se déploient sans limite.

Chocs assourdis de ces étapes créant, plus que stridences et percussions, de subtiles et infinies résonances mentales, où les couleurs fiévreuses et ouatées jouent à fond de leurs mystérieux pouvoirs psychiques.

Elles sont traversées des invisibles énergies qui incantent l’arrière-monde enchanté de BERG.


Elle s’invente parfois des visages familiers et lointains. Ils sont d’enfance absolue, et le destin de l’humanité les traverse. Ainsi, chaque visage est une fatalité. Masqués d’étrangeté, ces visages doux et implacables imposent leur insidieuse, contagieuse et presque inquiétante proximité.

Les paysages de BERG sont leurs seuls et vrais miroirs"