Le trait ininterrompu décrit d’innombrables arabesques dans l’entremêlement des corps, comme un fil mystérieux qui relie les êtres par une attache secrète et amène à une sorte d’effacement de la représentation de ces corps pour la remplacer par l’expression d’un mouvement qu'ils ne maîtrisent pas.
Au coeur de la pratique de Marie Taklanti se trouve un intérêt pour la calligraphie du dessin.
Le graphisme calligraphique de la ligne continue et fluide affronte le vide, déchire l’étendue et prend l’espace du papier qui l’absorbe.
Exercice périlleux et sans repentir, toujours recommencé, où le dynamisme du geste et la rapidité sont les résultats d’une concentration préalable.
Cette écriture du geste a pour but d’écrire l’homme, son désarroi, sa solitude, de cerner au plus prêt sa condition. Le corps en mouvement est son terrain de chasse, non seulement comme sujet mais comme langage.
De cet enchevêtrement de corps ou de ce chaos graphique de lignes noires, surgissent des figures d’hommes qui s’agitent contre le poids inéluctable des gravités, rarement solitaires, ils chutent, se tordent, s’enlacent, s’étreignent ne sachant où ils vont, qui ils sont.
Les compositions sont dépouillées du contexte et volontairement intemporelles. Pas d’autres décors que des tourbillons de lavis, zones grises d’une troublante attraction, qui affirme le mouvement.
Marie Taklanti imagine ces âmes égarées en apesanteur à la limite du vacillement, en prise d’un mouvement continuel, mouvement ascensionnel ou chute vertigineuse, entre espoir et doute.
Elle imagine ces hommes en suspens, perdus dans un cruel sentiment d’abandon, aspirés par une direction commune comme par attraction et parlent de notre effroyable solitude.
A la surface de ses grands formats, cette communauté d’hommes, en état de lévitation, s’élance, lutte, se débat, emportée par le souffle de leur histoire, afin d’ échapper à l’espace réel et au temporaire de notre vie, grisée de mouvement, en quête d’un ailleurs qui n’existe sans doute pas.